Retour sur la Journée Sélection Variétale du 11 mars 2024
Le 11 mars dernier s’est tenue une journée d’échange sur la sélection variétale, un enjeu crucial pour l’agriculture biologique face aux défis du changement climatique. Organisée par Union Bio Semences, cette rencontre a rassemblé 80 participants issus d’horizons agricoles variés, confirmant ainsi l’intérêt croissant pour cette thématique. La question de la semence est en effet un pivot essentiel de l’agriculture biologique.
Faire face au changement climatique
François Mercier (PIREN-Seine) a introduit cette session en présentant la trajectoire hydrologique des bassins versants à l’horizon 2050-2100. Différents scénarios climatiques ont été envisagés, du plus alarmant (+5,5°C) au plus optimiste (+1,5/°2°C, en ligne avec les accords de Paris). Quels que soient les modèles, l’avenir agricole devra faire face à une augmentation des températures estivales, une diminution des précipitations en été et une hausse des précipitations hivernales, avec un risque accru d’épisodes extrêmes comme la tempête Kirk d’octobre 2024.Il est donc indispensable de commencer à adapter, dès aujourd’hui, nos schémas agricoles aux risques que représente le changement climatique.
Caroline Gibert (Solagro) a ensuite abordé les leviers d’adaptation des systèmes agricoles et agroalimentaires. L’année 2023 a été marquée par des extrêmes climatiques, illustrant la vulnérabilité croissante du secteur. Le scénario Afterres 2050, développé par Solagro, préconise un régime plus végétal et biologique, ainsi que la promotion des semences paysannes pour améliorer la diversité génétique et renforcer la résilience des cultures.
Vers de nouveaux chemins de sélection en bio
Vincent Lefèvre (Union Bio Semences) a souligné l’importance des semences dans l’adaptation aux aléas climatiques. Actuellement, seulement 5% des semences utilisées en agriculture biologique sont sélectionnées spécifiquement pour ce mode de production, les autres provenant du conventionnel. Il faut en moyenne dix ans pour mettre sur le marché une nouvelle variété, d’où la nécessité d’une stratégie de sélection adaptée aux besoins des agriculteurs bio.
Sélectionner en AB pour l’AB
Laurence Fontaine (Union Bio Semences) a présenté l’évolution de l’offre de sélection pour l’agriculture biologique et les nouveaux outils disponibles, comme les New Genomic Techniques (NGT). Bernard Rolland (INRAE) et Noémie Besserve (INTERBIO Bretagne) ont rappelé que “sélectionner, c’est éliminer” : il est crucial de construire des filières locales robustes pour garantir des débouchés aux agriculteurs engagés dans l’AB.
Noémie Besserve, chargée de mission filières à INTERBIO Bretagne, a présenté deux initiatives majeures en faveur du développement des filières bio locales. La filière Gwastell, premier blé biscuitier bio inscrit, se distingue par son bon rendement, sa résistance aux maladies (notamment à la rouille jaune et au piétin verse) et ses qualités technologiques adaptées à la boulangerie biologique. Parallèlement, la filière Terres de Sources, implantée dans un rayon de 80 km autour de Rennes, repose sur une production 100 % locale et biologique, avec 18 producteurs cultivant plus de 150 hectares. Structurée autour d’un cahier des charges strict, elle associe quatre meuniers et plusieurs boulangers, dont une boulangerie solidaire, avec une contractualisation pluriannuelle pour assurer la pérennité de la filière. Ces initiatives ont déjà permis de structurer des débouchés stables pour tous les maillons de la filière et d’assurer une meilleure valorisation des variétés adaptées à l’AB. Terres de Sources contribue à une production locale plus résiliente et respectueuse de l’environnement, dans le but de rémunérer les producteurs pour leurs services rendus envers l’amélioration de la qualité de l’eau. Ces projets démontrent l’importance de relier sélection variétale et structuration des marchés afin de garantir une agriculture bio durable et économiquement viable.
Benedikt Haug (Biosaat) a partagé son expérience en Suisse et en Allemagne sur les variétés bio dynamiques, qui offrent une meilleure stabilité face aux variations climatiques. De son côté, Adrien Pelletier (SELECT Orvilliers) a expliqué son projet de création variétale pour une production régionale de blé 100% bio, visant à renforcer la résilience économique des exploitations.
Ajouter de la diversité génétique dans la sélection
Vincent Lefèvre et Estelle Serpolay (D’une graine aux autres) ont mis en avant l’intérêt des mélanges variétaux pour stabiliser la production et diversifier les pratiques agricoles. Différentes approches de sélection ont été présentées :
- La sélection évolution naturelle dynamique
- La sélection massale
Bien que les méthodes varient, une forte communication existe entre les acteurs de la sélection biologique.
Emma Del Rey (Cocebi) et Emma Flipon (D’une graine aux autres) ont présenté le programme PEPS, misant sur la robustesse plutôt que sur la performance pure. Une grande diversification génétique permet de limiter les risques liés au changement climatique et d’assurer une production stable même en cas de stress environnementaux.
Organiser les filières de l’assiette au champ
Enfin, la dernière session a porté sur la structuration des filières pour valoriser les variétés issues de la sélection biologique. L’ensemble des intervenants ont souligné la nécessité d’une approche collaborative impliquant chercheurs, agriculteurs, transformateurs et consommateurs pour garantir un modèle agricole plus durable et résilient.
Retour sur la journée en facilitation graphique !
Cette journée riche en échanges a mis en lumière l’urgence d’adapter les stratégies de sélection variétale aux réalités du changement climatique et aux besoins de l’agriculture biologique. Face aux défis actuels, la sélection de variétés spécifiquement conçues pour l’AB, la diversification génétique et la construction de filières locales apparaissent comme des leviers essentiels pour une agriculture plus durable et performante.